BETHPAGE BLACK : où les hommes deviennent des légendes

- Golfs

Prologue : au seuil du monstre

« The Black Course is an extremely difficult course which we recommend only for highly skilled golfers. »
La pancarte, plantée à l’entrée du parcours, est sans doute l’avertissement le plus célèbre du golf mondial. Des milliers de joueurs la photographient avant de s’élancer, mi-terrifiés, mi-excités.

Bethpage Black n’est pas un terrain comme les autres. C’est une épreuve. Une cathédrale du golf public américain, où l’on vient affronter non pas seulement des trous, mais sa propre endurance, son courage et, bientôt, l’histoire.

bethpage golf new york
bethpage golf new york

En septembre 2025, ce parcours mythique accueille la Ryder Cup. Pour la première fois, ce tournoi pas comme les autres, fait de bruit, de passion et de rivalité, viendra s’installer dans l’arène du Black Course. Le choc promet d’être violent, spectaculaire, imprévisible.


Naissance et évolution : l’histoire d’un parcours public hors norme

Les origines : 1936, Tillinghast et Burbeck

Le Bethpage State Park, sur Long Island, fut construit au cœur de la Grande Dépression. À l’époque, il s’agissait d’un projet public ambitieux : offrir aux New-Yorkais des parcours accessibles, de qualité, dans un parc naturel. A.W. Tillinghast, l’un des plus grands architectes de son époque, fut consulté pour dessiner les lignes des parcours.

Mais c’est Joseph H. Burbeck, surintendant du parc, qui supervisa la construction du Black. Contrairement à ses “frères” du parc (le Red, le Blue, le Green), le Black fut pensé comme un défi ultime, réservé aux joueurs aguerris.

Dès l’origine, il se distingue par :

  • des fairways étroits et bordés de rough épais ;
  • des bunkers massifs, creusés à la main par des ouvriers du New Deal ;
  • des greens surélevés, souvent petits et inclinés.

L’ère Rees Jones : l’Open Doctor

Dans les années 1990, New York rêve d’un US Open. Le choix se porte sur Bethpage Black, mais le parcours doit être adapté aux standards modernes. Rees Jones, surnommé “the Open Doctor”, est appelé.

Il conserve l’ADN du Black mais en accentue la sévérité :

  • Ajout de longueur.
  • Redessin des bunkers avec des lèvres plus abruptes.
  • Raffermissement des greens.

Résultat : en 2002, le Black accueille son premier US Open. Tiger Woods l’emporte, seul joueur sous le par. En 2009, Lucas Glover triomphe dans des conditions tout aussi hostiles. Puis viendra le PGA Championship 2019 (Brooks Koepka).


Les préparatifs pour la Ryder Cup 2025

En vue de la Ryder, de nouveaux ajustements ont été réalisés :

  • Un nouveau départ au 1, déplacé à gauche et légèrement avancé, pour permettre la construction d’une tribune monumentale.
  • Remodelage des bunkers du 5 et du 13, pour améliorer drainage et options de jeu.
  • Greens préparés à vitesse extrême, pour favoriser le spectacle et les erreurs.
Source : golfcoursearchitecture.net

Bethpage est prêt. Et la Ryder Cup ne pouvait rêver meilleur théâtre.


Architecture et philosophie du tracé

Bethpage Black est un paradoxe : un parcours public devenu un monument du golf mondial. Il incarne deux idées fortes :

  1. Le golf démocratique, ouvert à tous, même si le Black reste si dur qu’il décourage plus d’un amateur (voir l’article sur les golfs à Long Island).
  2. Le golf de championnat, capable de tester les meilleurs du monde sur chaque coup.

Les signatures architecturales :

  • Des bunkers immenses, souvent en diagonale, qui dictent la stratégie.
  • Des greens en plateau, entourés de pentes subtiles.
  • Un tracé en boucle continue, sans retour au club-house à mi-parcours, ce qui renforce l’endurance mentale.
  • Un terrain vallonné, qui donne des coups aveugles, des attaques en montée, des mises en jeu en descente.

Le Black ne se joue pas : il se subit, il se combat.


Guide trou par trou : les 18 scènes du Black

Aller

  1. Par 4 (430 m) – Dog les droit, deuxième coup en montée, green perché. Ouverture brutale, où le public rugira depuis les tribunes.
  2. Par 4 (390 m) – Dogleg gauche, bunkers en angle. Concours de wedge sur l’approche de green.
  3. Par 3 (205 m) – Long, green surélevé, en diagonal, en plateau et aux abords abruptes. Le tee shot doit être chirurgical.
  4. Par 5 (540 m) – Large, mais défendu. Birdie possible pour les plus longs.
  5. Par 4 (405 m) – Bunker remodelé à droite. Demande précision absolue.
  6. Par 4 (410 m) – Green protégé par des bunkers frontaux.
  7. Par 4 (par 5 pour les amateurs) – Long et punitif, un des trous signature.
  8. Par 3 (190 m) – Depuis un départ en hauteur, vent piégeux.
  9. Par 4 (440 m) – Green incliné, très difficile à tenir.

Retour

  1. Par 4 (460 m) – Bunkers massifs, un test brutal.
  2. Par 4 (400 m) – Fairway resserré, effet goulot d’étranglement.
  3. Par 4 (440 m, dogleg gauche) – Second coup souvent aveugle.
  4. Par 5 (530 m) – Remodelé récemment. Birdie possible.
  5. Par 3 (165 m) – Statistiquement le plus “facile”, mais green perfide.
  6. Par 4 (460 m) – Le plus dur. Green perché, bunker traître. Supplice assuré.
  7. Par 4 (435 m) – Long et exigeant, green insidieux.
  8. Par 3 (200 m) – Amphithéâtre naturel. Vacarme garanti.
  9. Par 4 (450 m) – En descente, bunkers en piège, green compliqué. Par final héroïque.
Trou N° 15 – Par 4 – handicap 1

Ryder Cup 2025 : l’affrontement des styles

Les chiffres

  • Driving → avantage USA. +0,6 fairway touché par partie. Gain théorique : +3,36 points sur l’ensemble des 28 matches.
  • Scheffler, Morikawa, Cantlay, Young : des machines au départ.
  • Spaun : précision clinique malgré sa distance réduite.

Côté Europe :

  • Rory (3e SG Off the tee) et Åberg (10e) tiennent la comparaison.
  • Hovland, Rahm, Lowry : fiables, capables de coups d’éclat.
  • Mais Justin Rose, 135e en SG Off the tee, traîne son handicap statistique.

Les duels attendus

  • Rory vs Scheffler : le duel des n°1, puissance et élégance contre régularité clinique.
  • Rahm vs Thomas : feu contre feu, créativité contre wedge redoutable.
  • Hovland vs Morikawa : précision scandinave contre précision californienne.
  • Lowry vs Schauffele : bagarreur irlandais contre métronome discret.

Le facteur public

À New York, le public sera le 13e homme américain. Rugissant, bruyant, parfois hostile. L’Europe devra trouver en elle-même la force de se souder.


Conclusion Golfstars : un parcours à jouer, un mythe à vivre

Bethpage Black est une destination de golf incontournable (voir article sur le road trip Boston to Long Island). Parcours public, mais monument de difficulté. Pour l’amateur, c’est une expérience à vivre au moins une fois :

  • Green fee : accessible, mais réservé aux joueurs prêts à souffrir.
  • Conseil : venez avec des balles en réserve, acceptez les bogeys, et admirez l’histoire.

En septembre 2025, il devient théâtre de la Ryder Cup. Les Américains, favoris sur le papier. Les Européens, portés par leur capitaine et leur collectif. Et au milieu, le Black, juge suprême.

Car ici, plus qu’ailleurs, un seul coup peut tout changer.

Photo Grégoire Lamarche

Grégoire Lamarche

Je suis Grégoire Lamarche. Après vingt ans dans les grandes maisons du CAC 40, j’ai choisi de mêler précision et passion en reprenant Golfstars. Un média indépendant, à la croisée des classements, des récits et des parcours. Pour que chaque golfeur trouve, peut-être, la partie qu’il cherchait.