L'oeil de Patrice Boissonnas, (Trop) difficiles bunkers

- Parcours de golf

P Boissonnas

Les golfeurs sont parfois impossibles à satisfaire. Architectes, greenkeepers et directeurs en font souvent le constat à propos des bunkers. « Vos bunkers sont trop difficiles !», s’entendent-ils dire sans cesse. Trop profonds, trop grands, trop nombreux, trop sablonneux ou pas assez, au sable trop fin ou au contraire trop lourd… On croirait presque qu’une majorité de joueurs rêvent de parcours sans bunkers. Logique puisque lorsqu’un golfeur n’arrive pas à sortir du sable, le seul coupable c’est le bunker.

Cal Club  trou N°18

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Qu’il me soit ici donné l’occasion de clarifier un point essentiel de l’architecture de golf : les bunkers n’ont pas été conçus pour être faciles. Ce sont des obstacles et à ce titre ils doivent être difficiles. Comment pourraient-ils jouer leur rôle d’obstacle s’ils ne l’étaient pas ? Et quel plaisir aurait-on à jouer sur des parcours sans obstacle ? Croyez-vous qu’un marin s’amuse dans la pétole ? Au golf, les obstacles sont les premiers outils de l’architecte pour créer de la variété et de l’intérêt. Ils lui sont aussi indispensables que les arômes pour un cuisinier.

Notons au passage que les bunkers ne sont qu’un type d’obstacle parmi d’autres : l’eau, le rough, les arbres, les hors-limites, mais aussi le vent, la distance et les reliefs sont autant de difficultés qu’il appartient à l’architecte de paramétrer. Si les bunkers sont si souvent utilisés, outre pour leur qualités esthétiques, c’est précisément parce qu’ils sont les moins difficiles des obstacles : au contraire de l’eau ou des buissons, on a une chance d’en sortir ! Et mieux encore, les joueurs à l’aise dans le sable peuvent parfaitement éviter la casse sur leur carte de score. Les bunkers sont donc des obstacles « justes ».

Il est vrai que tous les bunkers ne sont pas de même difficulté. Lorsqu’ils sont profonds, ou très grands, ils posent forcément plus de problèmes. Mais ainsi va le golf ! Certains parcours sont plus longs, d’autres plus étroits, d’autres ont des greens plus rapides, plus pentus… autant de facteurs pris en compte dans le calcul du slope pour assurer la cohérence de nos index. Que la difficulté des bunkers ne soit en revanche pas intégrée dans l’équation, voilà une vraie anomalie qui mériterait d’être corrigée.

Autre preuve que la difficulté est un faux procès fait aux bunkers, ils ne posent aucun problème aux professionnels. Les meilleurs joueurs sortent tellement bien du sable qu’ils préfèrent cent fois y retrouver leur balle que dans n’importe quel rough ou même sur un tour de green tondu très ras. Régulièrement des voix s’élèvent exhortant à ne plus ratisser les bunkers, ou à ne le faire qu’avec des râteaux à sillons, histoire de rappeler aux pros que les obstacles sont faits pour être évités.

En théorie architecturale, un obstacle n’est pertinent que s’il est préférable de l’éviter tout en étant suffisamment proche de la ligne idéale pour menacer les joueurs audacieux. C’est de ce fragile équilibre entre le risque et la récompense que naît la bonne architecture.

Trump Aberdeen N°4

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Chronique de  Patrice Boissonnas – Architecte de golf – # 3
pb@patriceboissonnas.com

Photo Stéphane COUDOUX

Stéphane COUDOUX

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